La connexion ?
- Générations Nature
- 21 mars
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : 22 mars
Ces dernières années ce mot a beaucoup été utilisé, en particulier associé à la notion de nature*. Mais dans l'imaginaire collectif, ces mots sont une invitation (parfois une exhortation!) à sortir de chez soi, quitter la ville, pour aller humer l'air des bois et faire des câlins aux arbres pour chasser le stress.
C'est un bon début, cette démarche apportant déjà les bénéfices de bouger, de respirer un air moins vicié, d'admirer le paysage. Vous en reviendrez certes probablement plus détendu et relaxé. Mais pas nécessairement « connecté ». Et de surcroît, cette approche vient s'ajouter à la longue liste de dérives consuméristes, de celles qui nous persuadent d'acheter ceci ou cela, de faire telle ou telle activité, pour être plus ceci ou cela, et surtout mettre plus de distance entre soi et Soi, entre la partie manipulable et l'être souverain.
Se connecter c'est se relier, entrer en relation, construire des liens. La connexion implique de reconsidérer notre rapport au corps et au temps, et d'accepter le processus de transformation qu'elle engendre.
C'est néanmoins un bon début car la connexion est un processus qui passe avant tout par le corps, par l'expérience sensorielle. Observer la vie qui se déploie autour de soi, dans les herbes, dans les arbres, dans le ciel, cachée dans les buissons, voir les reliefs, les couleurs, les formes des fleurs, des mousses, des rochers, … Sentir les parfums, les odeurs de la terre, celles transportées par les vents, celles révélées par la pluie ; Caresser les textures, plonger ses mains dans le torrent, goûter la fraîcheur de l'eau, la douceur du tilleul, les saveurs du cynorrhodon … Nos corps sont des antennes, dotées de multiples récepteurs faits pour recevoir, capter des informations que notre système nerveux central examine afin d'élaborer des réponses adaptées. Et, la vie étant ainsi faite, tout système non stimulé s'hypotrophie au fil du temps. Nos sens, nos capteurs s'affaiblissent s'ils sont laissés de côté. Ainsi, nous captons de moins en moins d'informations vraies – issues directement du réel – nous ne comprenons plus le monde qui nous entoure, laissant peu à peu s'installer les peurs, les croyances.

Crédit photo Pixabay Pezibear
Le corps est donc notre instrument de connexion – à la fois extrinsèque (capter les messages émis par l'extérieur) et aussi intrinsèque (capter les signaux qui nous reconnectent à notre propre nature). Et le jeûne est une pratique de choix pour réaccorder ce magnifique instrument !
L'image de la corde est très éclairante pour se représenter une relation. En montagne, quand des personnes s'encordent, elles ne sont pas simplement attachées l'une à l'autre. Chacune doit veiller à produire la juste tension de sorte que si l'une vacille l'autre reçoit l'information presque instantanément et peut intervenir pour enrayer une chute par exemple. Mais si le lien est distendu (parce que la corde n'a pas été entretenue, ou parce que l'une des deux personnes est distraite), le risque de chute et de choc violent pour toute la cordée est considérable. A contrario, une corde trop tendue bloquera la liberté de mouvement, la liberté d'agir et de continuer à progresser.

Crédit photo François L
Nous sommes des êtres multidimensionnels, et notre état de santé est le reflet du maintien d'un état d'équilibre dans chacune de ces dimensions : physique, émotionnelle, psychique et spirituelle. Et nos relations avec la nature* peuvent (devraient) toucher toutes ces dimensions pour parvenir à une forme d'équilibre : nous nourrir, nous soigner, nous émouvoir, nous révéler à nous-même, et nous montrer notre interdépendance et notre appartenance à plus grand que nous – la nature* nous donne accès à tout cela.
Mais comment peut-elle continuer son rôle nourricier si nous ne cessons de tirer sur la corde et de vider les sols de ses microbiotes et autres petits peuples ? Si nous ne cessons de prélever, d'extraire, d'exploiter, sans jamais laisser la possibilité de régénérer, que dire de cette relation univoque ? Déjà depuis plusieurs années des Gardiens du Vivant se mobilisent : des agriculteurs engagés dans la voie de la régénération se sont appropriés les méthodes de l'agroforesterie, de la permaculture, et peu à peu retissent des liens vertueux sur leurs territoires. Des cueilleurs de simples, des herboristes indépendants, soucieux de maintenir cette juste tension avec la nature qui peut aussi nous soigner, partagent des savoirs ancestraux, en veillant au respect des écosystèmes. Des thérapeutes accompagnent leurs consultants hors des murs enfermant de leur cabinet en s'appuyant justement sur ces liens que notre psyché, pour peu qu'on soit guidé a minima, trouve écho dans ce qui se déploie dehors, en forêt, dans les jardins, en montagne, … Des éclaireurs, appelons les ainsi, emmènent aussi, sur les sentiers, leurs élèves en quête de sagesse, de compréhension, de sens.
Enfin, les enfants peuvent aussi bénéficier du lien professoral que la nature offre, et apprendre, par la voie du dehors, combien grandir en nature rend les humains plus confiants, plus matures, plus « aware » de l'aspect fondamental des liens dans leur vie.
Tout ceci nécessite de stopper nos courses contre la montre, de reprendre le pouvoir sur nos rythmes naturels, et de prendre le temps nécessaire. « Prendre » non plus pour s'accaparer des ressources, mais pour retrouver ce qui fait partie de nous, le temps de vivre. Et le partager, car c'est en passant du temps ensemble (avec les autres, avec la nature) que les liens se tissent.
Se transformer
La recherche de cette juste tension dans la relation implique une transformation, qui passe par l'observation, la pleine conscience, la pleine présence, l'introspection, l'acceptation des émotions qui peuvent jaillir de la connexion consciente : la peur (du vide, de se perdre, d'avoir froid, de ne pas y arriver, …), la déception (des nuages qui s'accrochent, des limaces qui s'emparent de nos jeunes plans, …), l'effroi (de côtoyer la mort en croisant une colonie de vautours s'affairant autour d'une carcasse, d'une nuit d'orage au cœur des montagnes), la tristesse (en se confrontant au mauvais silence d'une coupe rase en foret, …), et aussi la joie, la jubilation de remonter le lit d'un torrent jusqu'à une cascade vivifiante, l'indescriptible bonheur de s'endormir en comptant les étoiles filantes , de savourer la beauté absolue d'un panorama qui s'offre à nous lorsqu'on arrive au sommet après une lente ascension, la gratitude profonde de partager ces moments là.
La connexion c'est ce mélange de moments vécus avec le Vivant ET la compréhension, le sens que nous attribuons à ces expériences, ce que nous parvenons à alchimiser.
La connexion c'est ce cheminement, de la relaxation, du bien-être à court terme, jusqu'à l'alchimie et l'accès à une compréhension de qui nous sommes au delà de nos frontières corporelles et mentales.
Tout est à la fois parfaitement orchestré et parfaitement mystérieux. Nos cellules souches peuvent aussi bien devenir des cellules du foie que des cellules cardiaques, elles ont le même patrimoine génétique et pourtant des vies très différentes ; elles vivent dans des organes très différents et pourtant si dépendants l'un de l'autre. Et nous-mêmes, en tant qu'organisme, ne sommes-nous pas des cellules d'un système bien plus vaste ? Nos pensées ne sont-elles pas les trames invisibles d'égrégores et de l'inconscient collectif ? Si différents des autres vivants et des écosystèmes que nous partageons, et pourtant si intimement co-dépendants les uns des autres.
Je vous souhaite de beaux et vivants chemins, et j'espère au travers de ce texte vous avoir donner l'envie de cheminer ensemble, dans les cercles de nature pour vivre la connexion dans toutes ses dimensions, ou en stage de jeûne, ou dans les cercles de parole, ou encore dans des accompagnements individualisés.
*Dans cet article sur la connexion j'utilise volontiers les guillemets quand j'emploie le terme nature tant ce mot revêt des significations particulières. Pour aller plus loin je vous partage dans un e-book « Nature(s) ». les différentes dimensions du mot nature, ainsi qu'une synthèse des nombreuses études mettant en évidence les bénéfices du contact avec la nature et une description des récentes approches thérapeutiques intégrant la nature comme tiers accompagnant. Pour télécharger l'e-book Nature(s) rendez-vous ici.
Comments