J'aimerais que cet article soit l'occasion, pour tous les aficionados du maniement de tondeuses et autres amateurs de pelouses coupées au mm près, de prendre conscience des trésors qu'ils envoient direct au compost (quand ce n'est pas à la déchetterie). Je veux parler de Bellis perennis : la pâquerette sauvage
Voici une autre incontournable du printemps, la fleur de Pâques, la toute simple et si commune, la pâquerette. Elle fleurit nos jardins, nos prairies, presque toute l'année ("perennis" pour pérenne), et sa présence commune pourrait nous faire oublier qu'elle recèle de nombreuses propriétés.
Son nom latin, Bellis perennis, viendrait de belllis (joli) ou bellum (guerre), soulignant sa présence sur les champs de bataille. Son nom commun viendrait de l'ancien français "pasquier" qui désignait les pâturages, là où nous pouvons l'observer facilement. Le nom est également associé à Belenos, dieu de la mythologie celtique. Bélénos est le symbole de la jeunesse, du renouveau, et par extension, du printemps :-) Dieu de l'harmonie, mais aussi de l'intuition, de l'invention et du raisonnement, ses fonctions principales sont la médecine et les arts. Peut-être trouverons nous dans l'esprit de la pâquerette un peu de cet esprit guérisseur ?
Description
La pâquerette appartient à la famille botanique des Astéracées (attention, certaines personnes sont allergiques aux plantes de cette famille). Comme la primevère que nous avons déjà évoquée, c'est une plante vivace, qui refleurit donc chaque année.
Les pâquerettes survivant très bien aux tontes répétées elles ont donné lieu à l'expression "au ras des pâquerettes" signifiant "au ras du sol" et, métaphoriquement, "sans intelligence". Pourtant moi je trouve cette petite plante très intelligente car les fleurs (ou plutôt les inflorescences*) savent s'adapter à l'alternance jour - nuit, en se fermant la nuit. Ce phénomène de nyctinastie a un impact positif sur sa croissance et un rôle de protection des organes reproducteurs contre le froid et l'humidité ; il peut aussi jouer un rôle de défense contre les herbivores nocturnes comme les limaces et les chevreuils, principaux consommateurs des fleurs. Les pâquerettes peuvent aussi se fermer pendant les averses, voire un peu avant, ce qui permettrait dans les campagnes de prédire la pluie légèrement à l'avance.
*les botanistes parlent en effet ici d'inflorescences car la pâquerette (comme d'autres astéracées) présentent des fleurs ligulées blanches et des fleurs en tubules jaunes
Elle contient diverses familles moléculaires telles que la saponine triterpénique (molécule détergente et émulsifiante), différents acides organiques (malique, tartrique, acétique, oxalique), des tanins (astringents), des flavonoïdes (kaempférol, quercitine, apigénine**, de l'anthoxanthine (pigment jaune orange)), de l'inuline (prébiotique) ainsi que des sels minéraux. La pâquerette produit aussi une essence (qui contient des polyacéthylènes aux propriétés anti bactériennes), et des mucilages (laxatifs doux).
**localisée dans les fleurs, des recherches sur cette molécule montrent qu'elle pourrait avoir un rôle modulateur dans le traitement des maladies neurovégétatives, comme la maladie d'Alzheimer.
Usages
Pour l'alimentation :
Les feuilles sont comestibles crues. Elles ont un léger goût de noisette mais elles développent un arrière-goût un peu âcre donc on les associe à d'autres plantes dans des salades composées. Elles peuvent également se préparer lactofermentées comme le chou ou être finement hachées et mélangées dans de la crème fraîche pour former une sauce qui accompagne le riz, le poisson. En Italie, elles servent à faire de la soupe ou à confectionner des farces pour la focaccia (sorte de fougasse) ou des sauces pour la viande. Les boutons floraux peuvent être utilisés crus dans des sandwichs, des soupes ou des ragoûts, se conserver au vinaigre et être utilisés comme les câpres, ou bien être revenus dans un peu d’huile et de vinaigre à la poêle. Les fleurs à demi-ouvertes, sont également comestibles, elles deviennent légèrement amères une fois ouvertes.
En phytothérapie :
On utilise à la fois les fleurs et les feuilles pour en faire un remède homéopathique. Bellis perennis possède une action anti-infammatoire, antalgique et anti-ecchymotique, elle est indiquée dans les cas de sensation de courbature générale, de meurtrissure (comme l'Arnica - beaucoup moins fréquent), mais avec une localisation aux muscles abdominaux et pelviens, et avec une irradiation aux membres inférieurs (avec congestion veineuse). Ainsi, ce médicament est utilisé dans les traumatismes : principalement au niveau du sein (suite de coups, après un examens ou une chirurgie…), du coccyx ou encore du bassin.
La pâquerette stimule la micro circulation et atténue les problèmes d'inflammations chroniques de la peau. Elle peut être utilisée (en macérat) en mélange avec d'autres plantes pour lutter contre l'acné, la rosacée, l'eczéma ou encore le psoriasis. Pour nettoyer la peau et lui redonner tonus et vitalité, une simple infusion, à appliquer à l'aide d'un coton tous les jours, participera à l’éclat de l'épiderme.
Le macérat huileux de pâquerette est bien connu pour avoir un effet tonifiant et raffermissant des tissus, offrant un effet galbant sur la poitrine et le buste. Son usage est intéressant quand la peau a tendance à se relâcher, ou suite à un accouchement, pour aider la peau à retrouver son élasticité.
Contre les irritations buccales, aphtes par exemple, le fait de mâcher les feuilles de pâquerette, ou faire des bains de bouches avec l'infusion aura un effet apaisant et cicatrisant sur l'inflammation. L'infusion peut aussi être utilisée en cas d'inflammation du tube digestif, (œsophage, estomac, intestins) en association là aussi avec d'autres plantes calmantes des muqueuses enflammées (ex : camomille, plantain, souci, réglisse).
Au 16ème siècle, elle était utilisée comme tonique printanier, pour "nettoyer le sang". Le Dr Valnet la positionne contre les oedèmes et les insuffisances rénales.
Enfin, dans leur écosystème, les pâquerettes seraient impliquées dans la régulation du calcium dans les sols, ce qui, transposer à l'humain, permettrait d'adresser les déséquilibres liés à ce minéral : arthrose, nodules calciques, décalcification, artériosclérose.
Rappel
Si vous vous lancez dans la cueillette de plantes sauvages, il me tient à cœur de vous rappeler de rester humble et sobre, de prélever dans "les règles de l'art" en faisant attention non seulement à vous (en prenant connaissance des risques de maladies possibles et les précautions à prendre) mais aussi aux biotopes que vous fréquenterez : les plantes ne sont pas des générations spontanées, elles ne poussent pas non plus uniquement pour nous servir. Bref, soyons intelligents, ne faisons pas de nos environnements les nouveaux supermarchés ;-)
Enfin, méfiez-vous de l'auto-médication. Utiliser les plantes (et d'autres approches naturelles) ne signifie pas s'abstenir de toute consultation médicale. Et pour les posologies, les formulations, n'hésitez pas à me solliciter, ou demandez conseil à un praticien avisé (herbaliste, naturopathe, phytothérapeute).
Sources :
https://www.altheaprovence.com
https://www.pharmaciegiphar.com
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