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Santé et spiritualité

Vous avez peut-être froncé les sourcils en lisant le titre … Je vous propose ce mois-ci de poursuivre mon exploration de la définition de la santé telle qu'elle est transmise en école de naturopathie, à savoir un état d'harmonie entre le corps (la dimension physique), l'esprit (la dimension mentale), et l'âme (la dimension spirituelle). Mais entre la théorie et la pratique il y a souvent des écarts importants, voire des abîmes... Déjà en vous parlant de santé mentale le mois dernier je m'aventurais sur un terrain glissant, que dire aujourd'hui avec un sujet sur la spiritualité ! Vite expédiée en formation, cette dimension de la vie humaine n'en demeure pas moins importante – au moins autant que le bon équilibre physique et le bon équilibre psycho-émotionnel, puisque certains naturopathes vont jusqu'à représenter la santé schématiquement par un triangle équilatéral (3 côtés égaux pour ceux qui ont oublié), signifiant que chacun de ces trois piliers a le même poids lorsqu'il s'agit de prendre en compte sa santé de façon « globale ».



Le piège des mots

Lorsque un sujet m'intéresse j'ai tendance à commencer par chercher sa définition - au départ dans l'idée de construire une réflexion à partir d'une base claire. Mais force est de constater que la réalité est loin d'être simple et j'en viendrais même à regretter les idéogrammes. Des mots comme nature, santé, esprit, âme, qui peuvent nous sembler évidents à comprendre a priori deviennent de véritables labyrinthes dans lesquels il devient facile de se perdre ...

La nature par exemple dans le monde académique (chercheurs, scientifiques, penseurs, ..) est un objet d'étude qui n'est jamais défini préalablement de façon claire : tantôt il s'agit de forêts, tantôt de parcs et de jardins, ou de couleurs et de sons "naturels" (vert, bleu, oiseaux, rivière, ...), ou encore de biodiversité et d'écosystèmes. Et l'étude du sens étymologique révèle au moins quatre définitions1 : la première nous parle de l'ensemble de la réalité ne résultant pas de l'activité humaine, la seconde de l'univers tout entier, la troisième de force vitale, et la dernière d'essence de toute chose (âme ??, esprit ??). Certaines de ces définitions intègrent l'Homme, d'autres non.

Le mois dernier j'ai évoqué la santé mentale, et déjà il n'était pas simple de savoir précisément de quoi il était réellement question, et bien avec la spiritualité on atteint les sommets du "flou complexe" :-)

Mais comme j'aime la simplicité, je vais essayer de clarifier au mieux, l'objectif étant de pouvoir s'autoriser à aborder ouvertement un sujet que l'on met de côté le plus souvent sous prétexte "que ce n'est pas de notre ressort"... Les incohérences me perturbent. J'ai besoin que les choses soient cohérentes, c'est ainsi. Or la naturopathie met souvent en avant le caractère holistique de son approche de l'humain sans être vraiment très au clair cependant avec la question de la spiritualité.


Par ailleurs, la parole est une voie d'expression mais d'une part ce n'est pas la seule et d'autre part elle recèle un certain nombre d'écueils polysémiques qui peuvent, en consultation mais aussi dans les échanges de tous les jours, conduire à des malentendus.


Un contexte, des croyances et des pratiques


Pour aborder une notion dont le sens n'est pas connu et partagé par tous nous pouvons commencer par donner un contexte d'usage. En l'occurrence, le terme spiritualité semble pouvoir être utilisé dans au moins trois contextes différents : religieux, philosophique, et ce que je résumerais par aspirations individuelles.

Dans un contexte religieux, peut-être le plus parlant, la spiritualité serait l'ensemble des pratiques, des rituels, mises en œuvre pour accompagner une croyance en une ou plusieurs entités "supérieures" aux humains et en l'existence d'une "vie après la mort du corps physique", ce dernier point conduisant à la notion "d'âme". L'âme serait ce qu'il reste de nous après la mort - je ne sais pas pour vous, mais pour moi cela reste très conceptuel. Alors essayons de creuser ...

Dans son livre "S'unir au vivant", Thierry Thouvenot explore le vivant sous 7 aspects, 7 dimensions, dont l'âme fait partie et qu'il décrit comme étant notre "niche écologique". Je vous ai déjà parlé l'an dernier d'écologie appliquée à l'humain, tant il me semble évident que l'humain ne peut s'extraire de l'environnement dans lequel il évolue (appartenance à un ou plusieurs écosystèmes) et qu'il est lui même un écosystème (par ses microbiotes). L'âme serait "comme la graine qui contient toute la destinée de l'arbre, (...) comme la noisette qui contient en germe toutes les particularités du noisetier, l'âme nous pousse à réaliser les potentiels uniques et précieux qui nous caractérisent." Cela répond déjà à une grande partie de notre thématique, et de manière très simple : nous sommes ici pour vivre une vie d'humain. Après, est-ce une simple histoire de génétique ? je suis humain parce que mon génome est assemblé de telle manière que son expression conduit à une forme vivante qui correspond à l'humain, soit... mais comment se fait initialement l'attribution de tel ou tel génome ? les conditions environnementales, de température, de pression, ? ou des forces surnaturelles qui inventent des programmes comme les humains aujourd'hui créaient des programmes informatiques ?

Dans le contexte philosophique, le labyrinthe est plus ardu. La spiritualité s'intéresse à la supériorité de l'esprit sur la matière. Les rédacteurs de wikipedia nous livrent la définition suivante du mot esprit : "L'esprit est la totalité des phénomènes et des facultés mentales : perception, affectivité, intuition, pensée, jugement, morale, etc." tout en soulignant également que le mot esprit a aussi été associé à l'âme individuelle. Ils précisent ensuite : "en métaphysique et dans les religions, le mot esprit désigne normalement l'élément immatériel incarné en l'être humain. Par extension se dit aussi de tous les êtres immatériels supposés doués d'intelligence : Dieu, les anges, les démons, etc." Notre triangle équilatéral en prend un coup ;-) : si l'esprit comprend la perception (qui relève pour moi tout autant de la matière, car nous percevons à travers nos sens, donc notre corps), la pensée et l'âme, alors le triangle n'est plus (et l'idée de santé avec). C'est peut-être une façon très alambiquée (comme souvent chez les philosophes non ?) d'exprimer l'idée que "un est tout", que tout est lié.

Enfin, la spiritualité, dans le cadre des aspirations personnelles, c'est s'interroger sur la Vie en général et la sienne en particulier. C'est la signification la plus récente et probablement la plus pertinente dans la mesure où elle semble englober toutes les autres. Nous allons poser ici des questions sur le sens de sa (la) vie, de quête identitaire, de recherche de mission de vie, ...

Les pratiques, elles aussi vont dépendre du contexte, mais elles ont en commun "l'expérience". C'est comme si, pour mieux s'emparer de concepts, il nous fallait revenir au ressenti, donc au corps. Cet aller-retour entre corps et esprit nous renvoie là encore à cette notion d'unicité, tout est lié.


La question spirituelle en consultation et dans la relation d'accompagnement


Ainsi, la question spirituelle a trait avant tout aux questions que l'on se pose sur ce que nous faisons de nos vies. Au final, la spiritualité peut se voir simplement (ce qui ne signifie pas que la démarche est simple) comme la recherche d'une vie bonne, de l'harmonie et du bonheur. Cette démarche est propre à chacun, selon ses valeurs, sa personnalité, ses ressources (au sens large)... mais de notre implication individuelle dans ce type de démarche dépend la bonne marche du collectif : quand certaines cellules d'un organisme commencent à dysfonctionner c'est l'organisme tout entier qui devient peu à peu dysfonctionnant. C'est l'idée de "se changer soi pour changer le monde". Alors plutôt que de balayer rapidement la question spirituelle, je peux légitimement en tant que naturopathe, en tant qu'accompagnant, échanger sur cette dimension du vivant : est-elle en friche, est-elle en devenir, est-elle en souffrance, a t-on identifié des livres, des lieux, des personnes ressources ? ...

Nous pouvons nous appuyer ici sur les enseignements de la permaculture : ne s'agit-il pas ici de commencer, avant toute chose, par apprendre à s'observer - sans jugement - : quelles sont mes pensées ? quelles sont mes émotions ? que se passe t-il dans mon corps quand je pense ceci ou cela ? Et immanquablement cette démarche m'amène au cercle plutôt qu'au triangle, l'unité plutôt que la division, l'interdépendance plutôt que le cloisonnement. Le cercle, si présent dans les anciennes traditions (yin-yang, roue de médecine), ou pour être plus juste, pouvons-nous parler de sphère et de spirale, car même si souvent nous avons l'impression de revivre les mêmes situations, le temps a filé et nous avons changé durant ce laps de temps ...


L'accompagnement de la spiritualité, du questionnement peut être facilité par le recours à différents outils (tests et outils de connaissance de soi, de coaching, livres, ...), disciplines (méditation, yoga, les pratiques artistiques, ...), personnes ressources (psychothérapeute, maître (au sens enseignant), coach, ...).

Le jeûne et la connexion avec la nature sont des pratiques facilitatrices pour ce type de démarche, notamment car elles favorisent l'observation de soi et le sentiment d'appartenance, le sentiment d'unité.


Et vous, où en êtes-vous dans votre cheminement spirituel ?


1 DUCARME, F. Qu’est-ce que la nature qu’on cherche à conserver? Une approche sémiologique de l’action écologique. Nouvelles perspectives en sciences sociales, 2019, 14(2), 23–60.


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